Dans le cadre de notre série « Interview Green Tech », nous avons rencontré Édouard Ibled, Directeur du développement de Carbonloop. Pour lutter contre le réchauffement climatique, la société propose la production d’énergie renouvelable sur site, mettant ainsi en application la formule « penser global, agir local ». Zoom sur ses actions, et le rôle du numérique dans son activité.
Pouvez-vous nous présenter Carbonloop, et son rôle dans la lutte contre le changement climatique ?
La start-up est développée par Kouros Investment, un fonds d’investissement qui s’est spécialisé dans les innovations proposant des solutions de rupture, pour décarboner la production électrique, la mobilité lourde, et développer une nouvelle énergie plus propre.
Carbonloop développe ainsi un service de décarbonation de l’industrie reposant sur la production locale d’électricité et de chaleur neutre en carbone, ou d’hydrogène vert à partir de biomasse récupérée dans les forêts et les exploitations agricoles environnantes.
Plus concrètement, on utilise la thermolyse (ou pyrolyse) pour produire un gaz de synthèse neutre en carbone à partir de la biomasse. Ce gaz est purifié pour produire de l’hydrogène vert qui va alimenter directement les usines. Il peut également être utilisé pour alimenter une chaufferie ou une cogénération, et produire de l’électricité et de la chaleur neutre en carbone.
Ce procédé s’accompagne de la production de biochar, qui séquestre 49 % du carbone de la biomasse transformée. Ce biochar, considéré par le GIEC comme un puits de carbone, est valorisé auprès de la filière agricole – coopératives, horticulteurs… – dans un rayon de 50 à 100 km autour du site industriel, rayon dans lequel la biomasse a été produite et sourcée.
L’idée, c’est de permettre aux sites industriels de privilégier des circuits courts.
Comment évaluez-vous la maturité des acteurs industriels pour relever les défis climatiques ?
Nous constatons une prise de conscience du changement climatique chez beaucoup d’entreprises et de groupes. De plus en plus d’organisations sont engagées dans une démarche de réduction volontaire de leur empreinte carbone. On voit se développer des fonctions dédiées avec des directions du développement durable ou RSE. Les directions industrielles s’emparent également du sujet.
Il y a aussi eu un avant et un après le 24 février 2022, date de début du conflit en Ukraine. Alors que les industriels observaient déjà une forte augmentation des prix de l’énergie, les directions achats sont aujourd’hui d’autant plus préoccupées par ce double défi : réduire leur empreinte carbone, et bénéficier d’une énergie disponible sur site. Avec une incertitude concernant l’approvisionnement en gaz naturel, les entreprises sont très intéressées par notre solution.
Finalement, qu’apporte concrètement Carbonloop aux industriels ?
Notre solution permet aux industriels d’accélérer leur décarbonation, en fournissant une énergie locale neutre en carbone. Et cela va même plus loin que la simple neutralité carbone, puisque la valorisation du biochar dans la filière agricole permet d’assurer la séquestration du carbone.
Quel est le rôle du numérique et des données dans ce verdissement de l'économie ?
Il a une réelle utilité : quand on démarre une discussion avec un groupe, on doit identifier leur consommation, connaître les plages d’utilisation de l’énergie, comprendre comment fonctionne le site… Nous devons avoir des données clés, qui vont être déterminantes car elles s’inscrivent dans la stratégie globale.
Nous proposons un service pour produire localement de l’énergie renouvelable ou neutre en carbone, mais nous devons bien comprendre le besoin, ce qui passe nécessairement par la data.
À titre personnel, comment voyez-vous évoluer la transition énergétique dans les années à venir ?
On nous a beaucoup parlé du monde d’après lors de la crise sanitaire et du 1er confinement. Cela s’est traduit par un changement dans l’organisation des entreprises, mais avec le démarrage du conflit en Ukraine, le monde d’après est à construire et à repenser. Nous devons réduire nos besoins en gaz naturel, œuvrer pour réduire notre empreinte carbone, consommer de façon plus rationnelle à titre personnel…
Nous devons prendre pleinement conscience que chacun doit tout faire pour être plus vigilant (carburant, eau…), et former les générations montantes.
Je suis plutôt optimiste. Nous sommes dans un phénomène d’accélération des choses, au niveau de la résilience notamment, avec un phénomène violent de fluctuation du prix de l’énergie, une guerre qu’on n’imaginait pas… Nous sommes contraints à être résilients et à nous adapter plus vite.
Merci à Édouard Ibled d’avoir répondu à nos questions et de nous avoir partagé son expertise sur ce sujet. Un nouveau point de vue passionnant, qui rejoint celui d’Antoine Hamon, et souligne à nouveau l’importance de se tourner vers l’énergie verte.